L’obsolescence programmée est un fléau touchant aujourd’hui tout un chacun. En effet, les « pannes» touchant nos appareils et outils mécaniques, électriques, électroniques et informatiques sont monnaie courante… Il suffit de quelques années d’utilisation, et ces compagnons de la vie quotidienne nous lâchent soudainement, sans crier gare. Pendant ce temps, le réfrigérateur acheté en 1970 fonctionne toujours. Ceci dit, la Game Boy aussi !
Bien entendu, lorsque l’on retourne le matériel au magasin, la garantie vient d’expirer et le remplacement de la pièce défectueuse s’avère très cher. Parfois plus que le rachat de l’appareil ! En effet, le process industriel est conçu pour produire et non pour réparer. Il s’agit parfois d’une usure naturelle, mais parfois aussi d’une usure programmée servant alors un dessein inavouable : augmenter le taux de remplacement pour maximiser les ventes !
Les origines de l’obsolescence programmée
Le concept d’obsolescence programmée est somme toute récent. Il fut un temps, en effet, où les entreprises avaient pour credo de satisfaire les clients avec des produits durables, de qualité.
Une idée post-crise 1929
Le terme « obsolescence programmée » aurait été popularisé par la doctrine développée en 1932 par un certain Bernard London. Pour ce businessman new-yorkais, la meilleure stratégie pour lutter contre la Grande Dépression de 29 était d’apposer sur tout produit manufacturé une date limite d’utilisation. Imaginez : son idée était d’imposer les citoyens utilisant un matériel considéré comme usagé ! En forçant chacun à rapporter à un organisme spécial tout objet périmé et en détruisant ceux-ci, il est certain que l’économie aurait été relancée !
L’ère des designers après guerre
Après-guerre, le monde entre dans l’ère de la consommation de masse. Vive les trente glorieuses ! Débute alors le règne des designers comme Brooks Stevens et Raymond Loewy. Ceux-ci miseront sur la fugacité de la mode pour augmenter les profits.
La recette : opérer régulièrement sur les produits de petits changements en matière de fonctionnalités ou de design, peu coûteux pour l’industrie. Il s’agissait de ne pas opérer de grands changements dans les chaînes de production, sous peine de racheter des nouvelles machines, d’embaucher, de former les ouvriers… Une petite modification par-ci, une autre par là… Et le tour est joué ! En parallèle, la « réclame », marketing d’autrefois, décrète aux acheteurs ce qui est en vogue et ce qui est has been.
La stratégie d’Alfred P. Sloan
Cette notion d’obsolescence esthétique ou psychologique fut déjà comprise dans les années 1920 par le célèbre président de General Motors, Alfred P. Sloan, qui réussit grâce à cette technique à concurrencer la Ford T. Symbole de la standardisation, cette voiture affichait pourtant toutes les qualités : bon marché, durable, fonctionnelle, facilement réparable…
Pour gagner ce pari impossible, la nouvelle Chevrolet de Sloan prit le contre-pied en ne cessant de subir de petites modifications en termes de design, d’options, de couleur. Un phare triangulaire à la place du phare rond par ici, une couleur qui change par là… Les campagnes publicitaires firent le reste et la stratégie s’avéra payante !
Aujourd’hui, le design est partout… Et tout se démode à vitesse éclair.
De nos jours, la mode et le design ont envahi tous les secteurs d’activité : vêtements, produits High Tech, voitures, ameublement, déco, vélo… En parallèle, afin d’être à la page, chacun souscrit à des crédits, achète, revend ou jette des dizaines de millions d’objets dans un monde sans cesse en quête de croissance. Cette logique de soutien de l’offre en forçant la demande semble hélas faire fi de l’urgence écologique en considérant la terre comme une corne d’abondance…
Au delà de la mode : les techniques d’obsolescence programmée
L’obsolescence peut également être planifiée par moult techniques, selon le secteur d’activité de l’entreprise et le service ou produit vendu :
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La création délibérée de fragilités. On pense par exemple aux machines à laver à la durée de vie allant rarement au-delà de 6 ans;
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La conception de matériels ne pouvant pas évoluer : impossibilité d’ajouter des pièces ou d’add-on permettant de suivre le progrès ;
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Organisation de l’obsolescence technologique en maîtrisant dans le temps la diffusion des progrès. C’est le cas d’une entreprise qui possède déjà une technologie avancée, mais qui bride ses produits en les faisant évoluer dans le temps afin de donner l’illusion d’un progrès, par exemple ;
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Arrêt rapide de la production de pièces de rechange ou de consommables spécifiques ; Pensons par exemple aux imprimantes à cartouches ;
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Abandon des mises à jours d’un logiciel récent ;
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Création d’applications incompatibles avec d’anciens systèmes d’exploitation ou de modèles de téléphone pourtant fonctionnels…
La législation contre-attaque face à l’obsolescence programmée
La loi française sur la transition énergétique de 2015 comporte désormais un article consacré à l’obsolescence programmée devenant un délit ! Les sanctions prévues par cet article paraissent assez dissuasives : peine de prison de 2 ans, amende de 300 000 € pouvant être portée à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise…
Une belle avancée qui fait toutefois supporter la charge de la preuve au consommateur-plaignant. Un exercice bien difficile : comment prouver une durée de vie limitée, non pas par l’utilisation qui a été faite du produit mais par une technique résultant d’une intention délibérée ? Notons que la mauvaise publicité peut faire réfléchir néanmoins à deux fois les entreprises, tout comme les actions de groupe pouvant être menées par les associations de défense des consommateurs.
Il demeure une solution préventive : faire tourner la carte de crédit 7 fois entre ses doigts avant de la poser (ou non !) sur le comptoir…
Pour en connaitre davantage sur les lois françaises sur la durée de vie des produits et la lutte contre l’obscolescence programmée : ecologie.gouv.fr