Assiette d'insectes cuisinés

Manger des insectes comestibles : entomophagie et nourriture du futur

La consommation d’insectes comestibles n’a jamais autant été autant au cœur de l’actualité. Présentée comme l’une des solutions de lutte contre le réchauffement climatique, nous retrouvons l’entomophagie comme l’un des piliers de la transition alimentaire. En témoigne notamment le règlement européen 2023/5 autorisant la mise sur le marché du grillon (Acheta domesticus). Ce petit insecte pourrait être retrouvé sous forme de farine dégraissée dans de nombreuses préparations culinaires.

Les insectes alimentaires permettraient de pallier les émissions actuelles de l’agriculture et de l’élevage standard en économisant en parallèle bon nombre de ressources. Ils fourniraient par ailleurs une alimentation optimale en raison de leur richesse en protéines, acides aminés, minéraux et vitamines. La demande de viande étant en constante augmentation face à une offre peinant à suivre, l’élevage d’insectes à manger semble également s’apparenter à une solution. Bref, ils sont considéré par certains (et même quelques lobbies ! ) comme l’aliment du futur.

Mais si l’insecte est déjà mangé quotidiennement ou presque dans de nombreux pays du monde, ce n’est pas encore le cas en occident. En effet, la consommation de petites bébêtes est encore considérée comme un tabou. Pour nombre d’occidentaux, il s’agit d’un régime excentrique, voire répugnant.

Nous nous pencherons dans cet article sur les avantages et les inconvénients de la consommation d’insectes comestibles. Nous tenterons d’expliciter les tabous, de mettre le focus sur le goût des insectes, leur mode de préparation en cuisine… Bref, on parlera sans concession en tentant de lâcher tout parti pris.

Et vous, êtes vous prêts à manger des insectes ?

insectes alimentaires entiers
Caisse d’insectes à manger avant préparation – SatyaPrem Talpa

Les avantages et inconvénients de la consommation d’insectes comestibles

Nous reconnaissons aux insectes comestibles de nombreuses propriétés nutritives. Mais leurs avantages ne s’arrêtent pas là. Simples à élever et à reproduire tout en limitant l’impact environnemental de l’alimentation animale et humaine, peu gourmands en ressources, peu émetteurs de gaz à effet de serre… Les insectes à manger pourraient bien être la nourriture de demain pour lutter contre le réchauffement climatique tout en assurant l’alimentation du monde entier.

Le bénéfice de ces avantages est toutefois minoré selon certaines sources. L’alimentation grâce aux insectes comestibles présente également quelques controverses, voire inconvénients économiques et écologiques non prises en compte dans les calculs.

Avantages de la consommation d’insectes alimentaires

Si l’on parle autant en ce moment de manger des insectes comestibles, c’est qu’il y a de nombreuses raisons. Nombre de qualités des grillons, vers de farine, fourmis et autres ténébrions nous sont louées par les pro de ce secteur économique. Les avantages présentés ici font ainsi aujourd’hui consensus, mais cela mérite peut-être une analyse plus poussée de certains chiffres se contredisant parfois selon les sources présentées.

D’excellentes qualités nutritionnelles

Les insectes alimentaires sont une source de protéines et sont riches en acides aminés essentiels, en fer et en zinc.

Selon Next Food, si l’on compare 100 gr de bœuf à 100 grammes de criquets comestible, la viande bovine contient en moyenne entre 19% et 26% de protéines. La même quantité de criquets en contiendrait entre 35 % et 48 %. En matière de minéraux, les besoins journaliers en calcium, magnésium, fer, phosphore et sélénium seraient couverts avec une centaine de grammes d’insectes. En bref, un excellent apport énergétique et des qualités nutritionnelles reconnues.

Les insectes comestibles seraient également les champions en matière d’omégas 3, d’omégas 6, et de vitamines… Le tout en étant sain pour la santé car pauvre en mauvaise graisse et cholestérol. Ils apporteraient également au corps humain des glucides et des fibres.

Le vendeur de barres de céréales Naakbar propose sur son site un comparatif entre insectes à manger et viande de bœuf. Ce comparatif avance que 5 criquets comestibles valent un steak de 100 grammes. Selon cette même source, un criquet représenterait 72 % de protéine, contre 52 % de protéine pour un bœuf entier. Et de conclure que les insectes apportent 9 fois plus de protéines que la viande de bœuf. S’agissant spécifiquement du grillon, cette petite bête comestible contiendrait 3 fois plus de protéines que la viande rouge.

Enfin, soulignons que l’élevage d’insectes à manger se réalise sans hormones ni antibiotiques, ce qui est nécessairement un plus pour notre santé.

Farine animale d'insectes
Poudre d’insectes alimentaires à utiliser en cuisine – primalfuture /Pixabay

Insectes à manger : une nourriture écologique et une production optimisée

Les insectes ont besoin de peu d’espaces, d’eau et de nourriture par rapport aux élevages classiques. Selon Agrirla FAO, il faudrait seulement 2kg de nourriture et 13 litres d’eau pour un kilogramme d’insectes comestibles contre 8kg et 13500 litres pour le bœuf. Toujours en termes de nourriture, le bœuf dépend bien souvent d’une agriculture elle-même gourmande en ressources pour le fourrage. Les insectes peuvent, quant à eux, se contenter de sous-produits alimentaires. Un élevage zéro-gaspi, en somme.

Mieux, selon Next Food, en bout de chaine, 80 % des insectes sont effectivement comestibles contre 55 % des volailles et 40 % des bovins. Il est en effet nécessaire de compter la perte liée aux organes, aux os, etc…

Par ailleurs, les insectes comestibles produisent bien moins de gaz à effet de serre. Toujours selon Next Food, pour la même quantité de protéine, l’élevage des insectes alimentaires produirait 100 fois moins de GES ! Qui plus est, la digestion de nombreuses espèces, ou plutôt, l’assimilation des aliments, ne rejette aucun méthane.

Ajoutons que les insectes à manger connaissent une croissance rapide et se reproduisent extrêmement facilement et en grande quantité. Certains insectes présentent plusieurs pontes de plus de 1000 œufs chacun par an ! Ils n’ont par ailleurs pas besoin de grands espaces et de terres propices à l’élevage classique. Un avantage qui permet d’optimiser les terres inoccupées.

Les fèces d’insectes, un super engrais

On appelle fèces d’insectes leurs déjections. Pour un gramme d’insectes en farine, il faut compter quasiment 11 grammes de déjections au cours de sa vie. Et, bonne nouvelle, cette matière organique ultra sèche fait un excellent engrais naturel. En bref, avec l’insecte, rien ne se perd et tout se valorise pour servir de manière circulaire.

Une ouverture vers le monde

Pour les récalcitrants ne souhaitant pas manger des insectes comestibles, il faut savoir que cela se fait partout. Pléthore régions du monde s’adonnent à l’entomophagie. Ainsi, la consommation d’insectes alimentaires permet en sorte de faire comme tout le monde et de se mettre à la page… Tout en élargissant le champ des possibles en matière culinaire.

Si vous souhaitez varier les plats et vous ouvrir à la cuisine du monde, c’est un passage essentiel. Cela épatera vos convives… Ou les dégoûtera ! A voir…

Les insectes à manger, ça a bon goût !

Eh oui, nous le considérons en occident avec dégoût, mais manger des insectes comestibles, c’est vraiment bon !

Les sceptiques imaginent le goût des mouches que l’on a tous un jour gobé et croqué par inadvertance. Mais il n’en est rien.

Le goût des insectes comestibles dépend de leur espèce et de la manière de les cuisiner. Certains peuvent révéler un goût de bacon, de crevette, de noix ou de fumé. Prenons le grillon grillé, par exemple. Ça a le goût de cacahuète soufflée. Oui, vraiment, un goût de Curly ! Les scorpions d’eau nous cachent quant à eux des saveurs de poire ! Certains termites présenteraient un goût de champignon…

Assiette d'insectes cuisinés
Une assiettes d’insectes comestibles cuisinés (crickets) – Pexels /Pixabay

Quelques inconvénients et controverses

Nous l’avons remarqué, on ne tarit pas d’éloges les insectes comestibles. Beaucoup de sources abondent dans ce sens. Mais d’autres sources demeurent plus mitigées. Et force est de constater que les chiffres diffèrent d’une étude à l’autre, ce qui peut parfois semer un doute. Les bénéfices nutritionnels et environnementaux des insectes sont-ils surévalués ?

Insectes comestibles : ne surévaluation de la richesse protéique ?

Nous l’avons remarqué précédemment, l’article Naakbar indique qu’un criquet représenterait 72 % de protéine, contre 52 % de protéine pour un bœuf entier. Nextfood avance 19% et 26% de protéines pour la viande bovine et entre 35 à 48% pour les criquets. En bref, d’une étude à une autre, les résultats diffèrent ce qui peut nous rendre circonspects. Selon un autre article publié dans culture-nutrition, Il y a effectivement environ 70% de protéines dans la farine d’insectes. Mais lorsque l’insecte est vivant, celui-ci comprend environ 20% de protéine et 60% d’eau, soit à peine davantage que d’autres animaux.

Est-ce si bon que cela pour l’environnement et l’économie des ressources ?

Toujours selon Culture nutrition, certains insectes alimentaires ne peuvent se contenter de sous-produits et se nourrissent de produits céréaliers. C’est le cas du ver de farine. En matière de consommation d’eau, cet article avance que les comparatifs habituels viande de bœuf VS insectes seraient faussés. Lorsque l’on compte la consommation d’eau pour 1kg de bœuf, on prend en compte l’eau utile à la production de sa nourriture. Soit l’arrosage des champs. Pour les insectes, ces chiffres sortiraient des calculs.

En matière de consommation d’énergie, l’insecte est très économe dans les pays où le climat est chaud et humide. Dans les pays tempérés comme les nôtres, la consommation énergétique pour reproduire de telles conditions n’est pas à négliger.

La question du coût des insectes comestibles

L’insecte est censé être élevé de manière bien moins chère que la viande bovine, ovine ou la volaille. Rappelons qu’ils prennent peu d’espace, consomment moins de ressources et se développent en très peu de temps avec un taux de reproduction record.

Pourtant, les coûts dans le commerce sont prohibitifs. En moyenne, il faut compter entre 5 et 7 euros pour 25 grammes de grillons grillés par exemple. Soit 25 petits grillons comestibles. Cela fait cher le plateau apéro !

Le coût des farines d’insectes pour nourrir les animaux demeure également élevé. Ces dernières peineront donc à remplacer les farines animales à base de poisson, très peu chères.

La réduction des coûts passera forcément par de plus grosses productions industrialisées, de l’automatisation et des économies d’échelle. Pour le moment, la rareté de l’offre maintient des prix hauts. Gageons que la tendance change à l’avenir avec le développement du secteur.

 

Les insectes comestibles dans le monde

Les insectes comestibles sont consommés dans de nombreux pays du monde. En résumé, partout sauf en occident (Europe et Amérique du Nord).

Penchons-nous sans plus attendre sur les cultures qui mangent des insectes alimentaires. Nous mettrons également l’accent sur les espèces d’insectes mangés et leur mode de préparation.

insectes alimentaires
Assiette d’insectes à manger – ChristophMeinersmann /Pixabay

Dans quels pays mange-t-on des insectes?

Nous pensons à tort dans nos contrées qu’un pays civilisé ne mange pas d’insectes. De fait, il nous semble difficile d’imaginer que le nombre de pays pratiquant l’entomophagie dépasse la centaine.

Car, en vérité, la consommation d’insectes est répandue dans de nombreuses régions du monde. C’est le cas pour quasiment tous les pays d’Afrique, mais aussi en Amérique du sud ou en Asie.  En résumé, partout sauf en Europe, en Australie et en Amérique du Nord même si la tendance commence à changer.

Dans les pays où l’on retrouve des insectes à manger dans les assiettes, cette pratique s’inscrit depuis des siècles voire des millénaires dans leur culture. Ces mets à base de coléoptères et autres petites bêtes ne sont toutefois pas adoptés pour des raisons environnementales et énergétiques. Rien à voir donc avec notre motivation première. En réalité, ces pays on tout bonnement adopté pour nourriture un aliment qui nourrit bien, que l’on élève facilement et que l’on trouve en abondance sous leur latitude. Ce fonctionnement de survie, nous l’avons également en France et cela se traduit par une tradition alimentaire parfois incomprise dans d’autres pays. Ne mangeons-nous pas des fruits de mer, des grenouilles ou des escargots ?

Les insectes les plus consommés au monde

Voici quelques insectes principalement consommés dans diverses régions du monde :

  • En Afrique, nous consommons beaucoup de termites, de criquets, de sauterelles, voire de chenilles.
  • En Asie, les insectes sont consommés dans de nombreux pays comme la Thaïlande, la Chine, la Malaisie et l’Indonésie. Nous retrouvons dans les plats traditionnels des criquets, des grillons, des scarabées et des vers de riz.
  • En Amérique latine, les insectes comme les criquets où les vers de maguey sont consommés dans des pays tels que le Mexique, le Guatemala et le Honduras.

La préparation des insectes en cuisine

Partout dans le monde, il existe de nombreuses méthodes de préparation des insectes comestibles, telles que :

  • Frit à l’huile,
  • Fermentation et la mise en conserve,
  • Cuisson au four ou à la poêle
  • Crus en salade
  • Assaisonnés aux épices
  • Séchés et consommés tel quels
  • Réduits en farine après déshydratation

Il est également possible de faire du pain à base de farine d’insectes comestibles. Cette farine animale vient toutefois nécessairement en complément d’une farine de céréales afin d’obtenir une véritable pâte à pain. Les insectes tels que les grillons, les vers de farine et les chenilles sont souvent utilisés pour produire de la farine riche en protéines et en nutriments.

Les obstacles à la consommation d’insectes comestibles dans les pays occidentaux

Enfonçons des portes ouvertes, notre lectorat réside bien souvent en France, en Belgique ou au Canada. Manger des insectes comestibles, ce n’est pas pour nous super folichon ! Il existe en effet de pour les occidentaux de nombreux freins à la consommation de bestioles. Les réticences psychologiques limitent cette acceptation, mais la non consommation d’insectes résulte aussi d’obstacles réglementaires et juridiques concernant l’élevage et la commercialisation de ce type de nourriture.

Quels freins psychologiques à la consommation d’insectes comestibles?

Les freins psychologiques à la consommation d’insectes s’expliquent par plusieurs facteurs :

Tout d’abord, les insectes sont souvent associés à des idées négatives dans les cultures occidentales, comme la saleté et les maladies. En outre, ils sont souvent considérés comme des animaux « répugnants » pouvant créer un dégoût physique chez certaines personnes, voire une phobie.

De plus, la consommation d’insectes alimentaires est souvent perçue comme étant réservée aux populations les plus défavorisées, ce qui peut entraîner une stigmatisation sociale.

Il est important de noter cependant que ces freins psychologiques sont souvent basés sur des stéréotypes et des préjugés.

Manger des insectes : les barrières juridiques

La réglementation peut-être plus ou moins stricte et sévère selon le pays. Mais généralement, lorsque le sujet touche des aspects vétérinaires, la salubrité publique et l’alimentation, les normes sont souvent drastiques. A fortiori dans les pays occidentaux.

Les obstacles juridiques peuvent être d’ordre :

 

Alimentaire : Les normes alimentaires actuelles ne sont pas forcément adaptées à la consommation d’insectes. Cela rend difficile leur commercialisation et leur distribution.

Sanitaire : Les insectes sont considérés comme des animaux non domestiques. Ils ne sont donc pas soumis aux mêmes normes sanitaires que les animaux domestiques/de ferme et les produits d’origine animale.

Phytosanitaire : Les insectes sont susceptibles d’être vecteurs de maladies et de parasites. Le but de certaines normes est d’éviter ce risque. Ceci dit, les élevages d’animaux de ferme sont également vecteurs de zoonoses (grippe aviaire…)

En France et globalement en UE, les insectes comestibles sont considérés depuis 2018 comme faisant partie de la catégorie des « Novel Food ». Chaque mise sur le marché de ces denrées nouvelles nécessite un agrément et une autorisation. C’est notamment le cas du grillon domestique (acheta domesticus) pouvant être introduit désormais dans l’alimentation en UE sous forme de farines dégraissées. Le règlement d’application, sorti début janvier 2023 (Règlement 2023/5) a déjà fait couler beaucoup d’encre !

En conclusion

En résumé, le grillon est désormais introduit officiellement dans notre alimentation sous forme de farines animales par le biais du règlement européen 2023/5. Mais ces insectes ne sont pas les premiers a avoir été introduits sur le marché.

Pourquoi une telle introduction ? La raison énoncée est bien évidemment la lutte contre le réchauffement climatique et la transition alimentaire. Les insectes comestibles présentent en effet énormément d’avantages en termes environnementaux et nutritionnels. Mais en occident, la production coûte cher. Il y a donc fort à parier que ces farines proviennent d’autres pays où l’on élève les insectes plus facilement et avec moins de ressources. Ces décisions de commercialisation d’insectes « cachés » dans l’alimentation générale provoquent aussi une certaine levée de bouclier. En effet, le consommateur ne sera pas directement informé de ce qu’il mange. Les appellation vague du genre « farines animales » ou « farines protéiques » étant autorisées dans la liste des ingrédients.

Et même si les citoyens occidentaux sont en moyenne plus enclins à manger des insectes sous forme de farine que présentés « entiers », les freins psychologiques sont encore nombreux. Un tabou infondé à surmonter ?

 

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